L’Ascenseur Valléen de Saint-Gervais


Le projet d'ascenseur valléen consiste à réaliser une télécabine à Saint-Gervais entre le quartier du Fayet près de la gare SNCF et le départ de la télécabine du Bettex vers les pistes de ski.

Il a pour objectif de transporter les habitants, lycéens, salariés et vacanciers. Il est prévu 125 000 trajets par an pour les habitants et 144 000 trajets par an pour les touristes.

Mais ces chiffres et sa véritable utilité sont loin d’être démontrés...


Transport Urbain

Le transport en commun par télécabine est utilisé seulement dans de grandes villes comportant un obstacle difficile à franchir (télécabine de Brest ou de Toulouse pour traverser respectivement les fleuves de la Penfeld et de la Garonne) ou une zone fortement urbanisée avec une circulation congestionnée (télécabine de Saint Denis à la Réunion).

Ce qui n'est pas du tout le cas à Saint-Gervais, à la taille non-comparable, 5 606 habitants, et où la route départementale RD902 bien que fréquentée, ne compte aucun embouteillage même lors des périodes de pointe. Le temps de trajet serait similaire en empruntant la route (8 min) 1 ou l'ascenseur valléen (5 min de trajet, 2 min d’accès et un temps d’attente) 2. La durée de 20 minutes par la route, annoncée dans le dossier, est complètement exagérée. 3

Il n'existe pas de téléphérique urbain fonctionnant dans une petite ville ou dans une zone avec une circulation routière fluide et aussi rapide.

En ce qui concerne les ascenseurs valléens, ils permettent habituellement d'accéder aux stations d'altitude avec une réduction importante du temps de trajet par rapport à la route (Par exemple, le funiculaire Bourg-Saint-Maurice - Les Arcs 1600 : 12 min de moins). Mais il n'existe aucun exemple d'appareil exploité en dehors de la saison touristique.

Une télécabine a comme principal inconvénient de desservir un nombre limité de quartier. Dès lors qu'un moyen terrestre est possible, les transports en commun classiques comme les lignes de bus sont mieux adaptés.

La commune de Saint-Gervais comporte un étalement urbain très important composé de logement individuel et collectif, avec de nombreuses résidences secondaires. Ce qui rend difficile l'organisation d’un transport public.

Le quartier de la gare amont, situé à une dizaine de minutes de marche du centre-ville, est désert en dehors de la saison touristique. À proximité immédiate, il n'y a pas de commerce ouvert ni d'activité économique en général, et en majorité des logements touristiques vides une grande partie de l'année.


Le quartier du Fayet au niveau de la gare avale comporte lui quelques petits commerces et services (pharmacie, poste, banque, restaurant, café...). Mais la plupart de ses activités, excepté la gare SNCF, sont également présentes au centre-ville de Saint-Gervais. Ce qui ne justifie pas l'utilisation du nouvel équipement.

Le bas de la vallée, avec les communes alentours Passy, Domancy, Sallanches, dispose d'importantes zones d'activité économique (grandes surfaces, entreprises et services en tout genre) et constitue un bassin d'emplois important pour les habitants de Saint-Gervais. Mais l'ensemble de ces lieux sont trop éloignés de la gare du Fayet pour être accessible directement.

Par conséquent l'utilisation de l'ascenseur valléen seul concernerait un très faible nombre d'habitants. Dans la plupart des cas, un moyen de transport supplémentaire serait nécessaire pour parcourir la totalité du trajet souhaité.

Ascenseur valléen et voiture

Pour les automobilistes, le trajet effectué par la télécabine, peut se faire en 8 min1 (4.7 km) par la route RD902 pour un coût de 0.9 € environ 5. Il semble donc peu probable que ceux-ci choisissent de s'arrêter dans l'une des deux gares et terminer le trajet avec la nouvelle installation, avec en plus, dans un sens, des problèmes de stationnement à proximité immédiate de la gare aval. Prendre l'ascenseur valléen et terminer son parcours en voiture est encore moins évident, cela nécessiterait du covoiturage ou un service d'autopartage pour les derniers kilomètres.

La distance évitée par l’ascenseur valléen est trop faible pour être intéressante.


Ascenseur valléen et bus

Saint Gervais dispose de 4 lignes de bus gérées par la région Auvergne-Rhône-Alpes. Les lignes Y84 et Y82 qui desservent plusieurs arrêts à Saint-Gervais, et les lignes Y85 et Y81 qui s'arrêtent uniquement à la gare du Fayet. Ces lignes ont une fréquence journalière faible, respectivement 10, 5, 12 et 1 aller-retour par jour maximum et un nombre d'arrêt limité. Vu leur faible remplissage, il n'est pas prévu d'augmenter leur fréquence, et d'après l'étude, "les modifications des itinéraires des Cars de la région semblent peu pertinentes" 6.

Par conséquent même si l'ascenseur valléen serait disponible régulièrement, les cars ne passent pas assez fréquemment pour compléter les trajets Domicile - Travail, ou tout trajet avec une contrainte horaire.

Pour les personnes peu pressées, les lignes Y84 et Y82 desservent les mêmes arrêts que l'ascenseur valléen, il est plus simple de parcourir la totalité du trajet en bus plutôt que de prendre une correspondance avec la télécabine.

Un réseau de navettes municipales vient compléter l’offre de transport en bus, mais n’est pas disponible en dehors de la saison touristique et ne dépasse pas les limites de la commune.


Ascenseur valléen et vélo

La route qui relie le Fayet au centre-bourg (RD902) est trop fréquentée pour la pratique du vélo en sécurité et trop étroite pour la construction d'une piste cyclable, comme cela est expliqué dans le dossier d'enquête publique7. Mais il est omis de préciser que d'autres itinéraires sont tout à fait praticables, comme la route des Amerands, ou encore pour les VTT, le chemin de Fontaine Froide ou du Berchat qui pourraient être mieux aménagés à moindre coût.

À la descente, l'ascenseur valléen ne présente aucun intérêt. Il suffit aux cyclistes de se laisser rouler, gratuitement pour arriver en bas avec un temps de trajet équivalent.

Dans le sens de la montée, le nouvel équipement peut être utile, mais arrivé à la gare amont les difficultés ne sont pas terminées. La zone urbanisée de Saint-Gervais est étalée entre 600 et 1400 m d'altitude. Suivant la destination, il reste des dénivellations importantes à parcourir. Le vélo traditionnel reste un moyen de transport difficile, réservé aux plus sportifs, pour les trajets du quotidien.

En revanche le vélo à assistance électrique est parfaitement adapté. C'est le meilleur moyen de mobilité douce capable de rivaliser avec la voiture, pour des trajets de moins de 10 km, sans efforts ni contrainte d'horaire. 

L'ascenseur valléen n'est pas forcément intéressant pour ce mode de transport, puisque la montée par les itinéraires précédemment évoqués se fait facilement, gratuitement et avec une durée comparable (si on comptabilise le temps du détour vers la gare, l'attente d'une cabine et la difficulté d'embarquer son vélo de 25 kg).

Les moyens de transport pour compléter le trajet en ascenseur valléen sont donc limités et peu pratique.

Le projet prévoit pour les habitants, 54000 trajets annuels pour les actifs (soit 240 personnes 8) et 45000 "autres". Ces chiffres et plus globalement toutes les prévisions de fréquentation ne sont pas du tout étayées. Elles se basent vaguement sur la circulation de la RD 902 (liaison le Fayet et centre-bourg), des données de l'INSEE et des résultats d’une étude préliminaire du pôle d’échange multimodale (AREP, 2021) non produite dans le dossier, sans explications claires. Pour chaque catégorie d’usagers de cette route, il a été défini, d’une façon assez arbitraire, une proportion de report vers l’ascenseur valléen : 10% pour les trajets domicile-travail et 20% des trajets d’habitants autres que scolaire et travail, sans se préoccuper des lieux de départ et d’arrivée, de l’intérêt pour les usagers à changer de moyen de transport… Ces estimations simplistes ne résistent pas à un examen sérieux de la situation géographique. Impossible d'imaginer où peuvent habiter, travailler ces 240 personnes et où se rendent les autres.

Estimation de fréquentation 9

En résumé, l'ascenseur valléen en tant que transport urbain ne présenterait un intérêt que pour quelques rares habitants effectuant les trajets à proximité immédiate des gares amont et aval (y compris certains usagers du train qui habiteraient près de la gare amont). Pour tous les itinéraires plus éloignés, son utilité est beaucoup plus incertaine, les moyens de transport supplémentaires étant plus efficaces pour parcourir la totalité du parcours. Et la multiplication des correspondances sur de courtes distances découragerait les utilisateurs potentiels.

En reliant uniquement deux quartiers, dont un, vide hors saison, et sans moyen pour aller ou venir de plus loin, l'ascenseur valléen n'est pas du tout adapté aux habitants. Il ne constitue en aucun cas une solution de transport en commun efficace.

Transport Scolaire


Il est estimé à 26000 allers-retours par an. L'étude ajoutée à la fin du rapport d’enquête publique, fournie quelques explications : il est proposé que les lycéens des lignes de bus de Saint-Nicolas et Praz-Megève-Combloux finissent le trajet vers le lycée en utilisant l'ascenseur valléen. La ligne des Contamines serait maintenue pour desservir 2 arrêts entre St Gervais et le lycée, les autres élèves en auraient peu d'utilité 10. Alors qu'actuellement, ils sont déposés devant leur établissement, certains élèves devraient avoir une correspondance à la télécabine, puis 8 min de marche jusqu'au lycée.

Avec un certain manque de sérieux et d’honnêteté, sans connaitre le coût du trajet en ascenseur valléen, l'étude affirme que cette solution n’aurait pas d’impact financier.

« Les économies réalisées sur les lignes Y81 Saint-Nicolas et Y82 Praz-Megève-Combloux permettront de financer l'utilisation du nouvel équipement pour les lycéens » Mais, un astérisque vient largement nuancer ces propos, « l'équilibre financier sera assuré avec un coût du trajet de 0.71 €. » 11

Ce coût est totalement improbable. Le prix d'un aller simple serait forcément supérieur à 2 euros (voir explications plus loin), soit un surcoût annuel de 67000 € minimum en cas d'utilisation de l'ascenseur valléen, en reprenant les calculs de l'étude. 12

L’augmentation du temps de trajet entre 0 et 3 min a également été minimisée. Avec la correspondance entre le car et la télécabine puis la marche vers le lycée, il peut atteindre jusqu’à 11 minutes supplémentaires. 

De plus, cette étude est basée sur un appareil d’une capacité de 1600 personnes/h, elle a finalement été réduite à 1200 p/h. L’embarquement de 144 personnes prendrait au moins 7 min, avec des passagers disciplinés qui remplissent entièrement les cabines, sans possibilité de transporter d’autres personnes pendant ce temps, notamment des actifs. Le temps de trajet pour lycéens pourrait augmenter finalement d’environ 14 min par rapport au bus12.

Le dossier n'apporte pas non plus la preuve que les communes concernées (Praz, Megève, Combloux) ont validé l’utilisation de l'ascenseur valléen pour les trajets réguliers des lycéens. Au vu des contraintes supplémentaires, ce n'est pas acquis.

La fréquentation scolaire de 26000 trajets par an n'est donc pas du tout prouvée.


Avec une augmentation du coût, de la durée et de la complexité du transport, l’utilisation de l’ascenseur valléen pour acheminer les lycéens ne présente aucun avantage. Cette proposition semble être uniquement un moyen de remplir l’appareil.

Très loin des 144 trajets par jour estimé13, le transport scolaire se limiterait à quelques lycéens finissant les cours en avance et habitant près de la gare amont.



Pour l’ensemble du transport urbain, le flux d’habitants, actifs et scolaires susceptibles d’emprunter l’ascenseur valléen serait certainement faible, sans comparaison avec les chiffres annoncés.

À moins d’un subventionnement quasi-intégral pour faire circuler des cabines vides, il est possible que son exploitation soit abandonnée en dehors de la saison touristique, faute de passagers, comme les navettes municipales et comme tous les ascenseurs valléens.

La région Auvergne-Rhône-Alpes a prévu de financer le projet à hauteur de plusieurs millions d'euros. Elle n'a pas compétence en matière de transport touristique, et ne peut financer que des transports urbains. La dépense d'argent publique serait donc particulièrement inefficace.


Transport Touristique

Il est estimé à 144000 allers-retours par an.

Pendant la saison touristique, un réseau de navettes gratuites permet de desservir la commune. Un bus parcourt toutes les heures le même trajet que l'ascenseur valléen. 7191 personnes seulement ont été transportées durant l'été 2021 et l'hiver 2021/2022 (soit l’équivalent de 3596 aller-retours). Pourtant ces bus ne sont pas totalement remplis, excepté durant les vacances d'hiver (Taux de remplissage : 94,67 % pendant les vacances d'hiver, 54,05 % le reste de cette saison, 14,81 % en été 20). On peut difficilement croire qu'il y aurait environ 40 fois plus de passagers à transporter si l'ascenseur valléen était en fonctionnement. La disponibilité de l'appareil pourrait être plus intéressante, mais pas les tarifs, étant donné la gratuité des navettes.

Skieurs

Concernant les skieurs, l'ascenseur valléen permettrait d'accéder directement à la station, mais avec quelques inconvénients majeurs :

- L'appareil n'aurait d'utilité que pour les skieurs à la journée, arrivant du bas de la vallée, pas pour les vacanciers résidents à Saint-Gervais. Ceux-ci se rendraient directement à la gare amont, les logements touristiques étant situés en grande majorité dans la partie haute de la commune.

- Le tarif du forfait de ski serait probablement augmenté pour inclure l'utilisation de l'ascenseur valléen. Alors que la station de ski de Saint-Gervais propose déjà des prix plus élevés que ses voisines, elle deviendrait moins compétitive (Tarifs d'une journée de ski adulte Hiver 2022/2023 : Saint-Gervais 55 €, Les-Contamines 46.80 €, Les-Houches 50 €)

- Avec le réchauffement climatique, la saison de ski se raccourcit d'année en année. Elle a débuté véritablement mi-janvier cet hiver 2022/2023.

- La gare du Fayet dispose d'un faible nombre de stationnements à proximité. Le parking SNCF est régulièrement saturé, même hors saison. Et la construction de la télécabine va encore supprimer une dizaine de places 21.

Les autres parkings prévus sont à 8 min de marche. Une navette municipale permet de faire la liaison, uniquement en saison, et une seule fois par heure.

Ce problème de stationnement au niveau de la gare aval annule tous les avantages de l'ascenseur valléen sur le temps de trajet et la facilité d'accès pour les automobilistes. Il constitue un obstacle majeur au report de la voiture vers la télécabine, pour les vacanciers comme pour les habitants.


La plupart du temps pour les skieurs arrivant en voiture, il serait beaucoup plus simple de s'arrêter au niveau de la gare amont, tant qu'il y reste de la place. Or, le parking est saturé seulement une douzaine de jours par an 22.

La solution plus simple consistant à transporter directement les skieurs en bus depuis les parkings du Fayet vers la gare de Saint-Gervais, au lieu d'un trajet en navette (ou 8 min de marche) puis en télécabine, n'a pas été étudiée.

La municipalité pointe l'impossibilité de créer une liaison régulière entre Le Fayet et Saint-Gervais pour ne pas concurrencer les bus de la région. Les navettes municipales en renfort pendant la saison touristique ne peuvent franchir les limites communales. Or, l’unique route d'accès autorisé pour les cars traverse une commune voisine, seul un minibus peut faire le trajet par une petite route.23

Il est étonnant que la région Auvergne-Rhône-Alpes accorde une subvention de plusieurs millions d'euros pour la construction de l'appareil, mais pas l'autorisation aux navettes municipales de traverser une autre commune.

Le problème de concurrence pourrait toutefois être facilement évité, si ces cars étaient affrétés par la société exploitante de la station et réservés aux skieurs titulaires d'un forfait de ski. Cette solution simple à mettre en œuvre, et plus pratique pour les usagers, n'a jamais été testée ni même étudiée. Preuve, qu'un transport en commun pour les skieurs entre le Fayet et Saint-Gervais n'est pas vraiment indispensable.

Autres touristes

Excepté pour ceux qui logent à proximité ou pour ceux qui se rendent à la télécabine existante Saint-Gervais – Le-Bettex (skieurs et dans une bien moindre mesure promeneurs en été) la gare amont ne constitue pas une destination touristique final. La plupart des destinations (piscine, patinoire, visite du centre-bourg, du hameau de Saint-Nicolas, départ des sentiers de randonnée, accès aux logements de tourisme...) sont éloignées de la gare et éparpillées sur toute la commune.

Les usagers de l'ascenseur valléen devraient emprunter un moyen de transport supplémentaire avec les mêmes problématiques que le transport urbain.

Certains parcours sont parfois faisable une partie de la saison touristique, suivant les horaires, avec le réseau de navettes municipales.

Mais avec une ou deux correspondances entre l'ascenseur valléen et les bus, en plus des contraintes horaires, ou alors des distances de marche importantes, le trajet serait beaucoup moins rapide et pratique qu'en voiture.

Pour un certain nombre destinations (centre du bourg, piscine, patinoire…) un trajet complet en bus serait également plus simple.

Estimation de fréquentation 9

Avec tous ces inconvénients dissuasifs, les estimations d'utilisation de l'ascenseur valléen par 79 % des vacanciers logeant au Fayet et 89 % des excursionnistes qui se rendent actuellement à Saint-Gervais en automobile, sont complètement irréalistes.

Pour parcourir l'itinéraire entre Le Fayet et le centre-bourg, Saint-Gervais dispose déjà, des bus de la région, d'un tramway (le Tramway du Mont Blanc), et va construire prochainement un funiculaire (ascenseur à eaux usées) en plus de l'ascenseur valléen. Plusieurs millions d'euros ont déjà ou vont être dépensés pour rénover ou construire ces appareils. La multiplication des moyens de transports effectuant un trajet presque similaire va réduire l'efficacité de chacun en diluant le nombre d'usagers potentiels.

Les voyageurs n'utiliseront pas forcément l'ascenseur valléen. Pour se rendre au centre-bourg pour un automobiliste par exemple, un trajet en funiculaire, en stationnant au pied, serait plus rapide qu’en télécabine. La gratuité prévue du funiculaire le rendrait également plus attractif.

Le système global des transports incluant les anciens et nouveaux appareils ainsi que le réseau de navettes, n’a pas été redéfini.

Le Tramway du Mont Blanc pourrait aussi être mieux utilisé pour servir à la fois de transport touristique et urbain. La gare de Saint-Gervais a été entièrement rénovée, et de nouvelles rames rapides sont en circulation.


Coût

Le coût global d'exploitation est estimé à 1 100 000 €/an (comparatif Ascenseur Valléen – Tramway du Mont Blanc, page 11). Le déficit d’exploitation est évalué entre 130 000 et 170 000 € par an, pour la commune, sans plus d’explications.30

Avec ce coût d'exploitation et une fréquentation de 269000 trajets/an (habitants et touristes), le coût de revient d'un aller-retour serait de 4 euros minimum, soit 2 euros l’aller simple. Il devrait augmenter fortement avec une fréquentation plus réaliste, et le tarif pour les usagers serait forcément plus élevé que ce coût de revient.

Voici quelques exemples de tarifs d'un aller-retour adulte pratiqués l'été 2022, pour les télécabines alentours

- Télécabine de la Gorge aux Contamines : 6,5€

- Télécabine du Jaillet à Megève : 16€

- Télécabine du Mont d'Arbois à Megève : 17,30€

- Télécabine du Prarion aux Houches : 20€

La société exploitante qui doit gérer l'ascenseur valléen, a proposé pour l'hiver 2022-2023 un tarif adulte de 6.60€ l'aller-simple et 11.20€ l'aller-retour, pour le tronçon existant entre Saint-Gervais et Le Bettex, avec pourtant un appareil âgé d'une quarantaine d'années, amorti depuis longtemps et une fréquentation importante en hiver. Ce qui devrait normalement réduire les coûts.

Pour la nouvelle télécabine, il est prévu un fonctionnement automatique sans personnel durant les heures creuses et donc une subvention de la commune d'environ 15% du coût d'exploitation.


Malgré cela, vu les prix pratiqués dans les télécabines, on peut difficilement imaginer des tarifs compétitifs par rapport à d'autres moyens de transport.

Le même trajet coûte 1.50€ en bus, et 0.90€ en voiture 4. La promesse inscrite dans le rapport de présentation n'est pas tenable : "...ainsi que d’un coût particulièrement attractif pour les usagers, l’Ascenseur valléen offrira une réelle alternative à l’automobile pour les déplacements individuels." 31

Aucune estimation de prix pour les usagers n'a été précisée. Ce simple fait décrédibilise toutes les prévisions de fréquentation. Celles-ci en sont totalement dépendantes. Les automobilistes ne changeront probablement pas de moyen de transport avec un coût plus élevé que leur voiture et un service moins pratique. Et réciproquement, moins il y aura d'usager, plus le prix sera élevé. Le phénomène n'a pas été étudié.

Le dossier apporte également quelques informations inquiétantes qui laissent présager de futures difficultés financières.

- "en supprimant le transport scolaire entre Saint-Gervais et le Fayet pour le lycée du Mont-Blanc, ces lignes budgétaires vont financer partiellement l’utilisation de l’ascenseur valléen."32

Comme expliqué précédemment, cette solution n'est pas du tout prouvée. Pour avoir impact financier nul, il faudrait un coût de l'aller simple de 0.71 €. Cette solution coûterait au minimum 63000 euros de plus que le fonctionnement actuel, avec un coût de 2 euros. On ne comprend donc pas ce que ces lignes budgétaires vont financer.

Alors qu'ils représentent 30 % du trafic estimé hors saison, sans les élèves et la participation financière publique qui va avec, l'ascenseur valléen perdrait une partie importante de ses recettes.

- "un tarif limité des trajets par l’Ascenseur valléen sera mise en œuvre pour les usagers l’utilisant comme un transport urbain. La mise en œuvre de cette ambition sera rendue possible par la prise en charge d’une partie du coût par les usagers ayant une utilisation touristique." 33

En plus des problèmes pratiques et juridiques pour différencier les deux catégories d’usagers, si les tarifs des vacanciers doivent être augmentés significativement pour financer le transport urbain, le prix serait totalement dissuasif. Il est tout à fait possible qu'un trajet en taxi devienne plus pratique et plus intéressant financièrement, surtout pour un groupe de personnes. Parcourir la même distance de 4.7 km en taxi, suivant les tarifs réglementés de Haute-Savoie, coûte 19.1 € les dimanches et jours fériés, et 13.8 € les autres jours. 34

- La société exploitante a prévu d'investir 2 844 000 euros dans le projet.35 Elle ne prend aucun risque financier. Le contrat de concession signé avec la commune de Saint-Gervais, prévoit que tous les investissements non amortis au terme de celle-ci devront être remboursés. Si l'exploitation est déficitaire, cette somme sera donc probablement un jour à charge de la commune.

- Des navettes supplémentaires seraient nécessaires pour que l’appareil soit utilisé, notamment entre les parkings du Fayet et la gare aval (actuellement un trajet toutes les heures en saison). Le dossier évoque aussi une liaison entre le centre-bourg et la gare amont. "Le bourg de Saint-Gervais serait desservi par des navettes bus depuis le Châtelet." 37

Ces dépenses complémentaires n’ont pas été chiffrées et vont augmenter significativement le coût de fonctionnement global de l’installation.

- Le projet global prévoit, en plus de la construction de l'ascenseur valléen, le remplacement complet de la télécabine existante entre Saint-Gervais et Le Bettex. Le coût total a fortement augmenté depuis le début du projet, passant de 30 à 45 millions d'euros36, financé essentiellement par de l'argent public. Dans un tweet du 12 juillet 2022, le maire de Saint Gervais Jean-Marc Peillex écrivait à propos de l'ascenseur valléen: "Mais si jamais il ne se faisait pas à cause de quelques-uns, les conséquences seraient importantes pour Saint-Gervais: Le DMC Saint-Gervais/Le Bettex ne sera pas remplacé en 2024 par une nouvelle télécabine car les deux projets sont liés et bénéficient de 60% de subventions régionales et départementales".

La décision de construire un ascenseur valléen semble être motivée principalement par la possibilité d'obtenir des subventions pour le deuxième tronçon, plutôt que par sa réelle utilité.

Depuis l’enquête publique, le projet initial a également été revu à la baisse, avec notamment une diminution du nombre de cabines. L’appareil aurait un coût de fonctionnement relativement équivalent (légère baisse de la consommation électrique, mais frais de personnel et d’entretien identique), mais une baisse de sa capacité et donc de ses recettes. Il n’est plus du tout certain que la télécabine puisse absorber le flux de voyageurs annoncé, surtout aux heures de pointe.

Le modèle économique de l'ascenseur valléen n'est pas du tout établi. Rien ne permet d'expliquer le financement de son coût annuel d'exploitation. Il est donc difficile de ne pas imaginer que les tarifs soient trop élevés pour être attractifs, et que les subventions publiques nécessaires au fonctionnement soient bien plus importantes que prévu.

Nuisances et environnement

Concernant la lutte contre le réchauffement climatique, un trajet en télécabine émet moins de gaz à effet de serre qu'en voiture.

Cependant la construction de l'appareil avec ses tonnes d'acier, de béton, l'acheminement des matériaux en camion, hélicoptère... nécessite beaucoup d'énergie carbonée. Plusieurs hectares de forêt stockant du carbone vont aussi être supprimés. L’ensemble de ces émissions n’a pas été chiffré.

Il n'est pas prouvé que la dette carbone initiale soit amortie, surtout si la fréquentation n'est pas au rendez-vous.

Un effet "rebond" est aussi tout à fait possible. En facilitant l'accès aux pistes, les vacanciers vont être incités à venir skier plus souvent, notamment à la journée et majoritairement en voiture. Les cinq kilomètres de voiture évités par la nouvelle liaison, seraient largement perdus par les nouveaux trajets depuis les domiciles des touristes.

Si l’ascenseur valléen crée de nouveaux usages qui s’ajoutent à la circulation par la route sans la diminuer, le bilan serait négatif.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre est loin d’être prouvée.

L’annonce d’une baisse globale des émissions de CO2 avec l’ascenseur valléen, de 12 à 16%, sans préciser par rapport à quoi, et sans explications, n’a absolument aucune valeur. 40


Pour les nuisances, la route départementale RD902 entre le Fayet et Saint-Gervais, très fréquentée, constitue une source de bruit importante pour les riverains et participe à la pollution de l'air.

Cet axe ne permet pas d'accéder uniquement à Saint-Gervais, il permet aussi de relier la Savoie à la vallée de Chamonix avec ses passages vers la Suisse et l'Italie.

C'est également un accès aux communes et stations touristiques environnantes (Les Contamines, Combloux, Megève, Praz sur Arly). Un nombre important de véhicules individuels ne font donc que traverser Saint Gervais

Cette route est pratiquement le seul itinéraire possible vers ces villages pour les poids lourds : un important trafic de car, camions, poids lourd et utilitaires, lié notamment à l'activité de la construction, transite par cette route.

Une écrasante majorité de ces véhicules ne serait donc pas concernée par l'ascenseur valléen.

Sur l’ensemble de l’année, même avec les estimations très optimistes de fréquentation, la diminution du trafic serait inférieure à 10% 42 (certainement beaucoup moins avec une fréquentation plus réaliste) et ne concernerait pas les véhicules les plus bruyants. La réduction des nuisances ne serait pas perceptible par les habitants, malgré les sommes importantes investies.

L'ascenseur valléen avec ses pylônes et ses gares, créerait même de nouvelles sources de bruit dans des zones actuellement épargnées : aux alentours de l'établissement thermal dont le parc et les forêts sont appréciés des promeneurs, et au niveau de certaines habitations et de l'école du Fayet situé à une centaine de mètres de la gare.

Conclusion

Malgré des dépenses publiques considérables dans une petite commune, l’ascenseur valléen n’atteindrait pas ses objectifs de transport urbain et touristique, de réduction de la circulation et des nuisances routières, le tout sans aucune maîtrise de son coût de fonctionnement.


Annexes

(1) Pour le temps de trajet en voiture, les sites GoogleMaps, Mappy, Geoportail, ViaMichelin donne le même temps de 8min, cela se vérifie en réalité.

(2) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 106/135

(3) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 9/135

(4) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 81/135

(5) Tarif du trajet en voiture : 0.9 € pour les 4.7Km, avec une citadine essence et un carburant à 1.9 €/l, source : viamichelin.fr

(6) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 120/135

(7) Rapport de présentation Page 18/34

(8) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 10/135

(9) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 78/135

(10) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 105/135 : 151 élèves ,175 jours scolaires, soit 26425 trajets par an

(11) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 108/135

(12) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 106/135

Pour les lignes Saint Nicolas et Praz sur Arly, l’étude estime le temps supplémentaire du trajet domicile-lycée à 3 et 0 min. Le calcul est basé avec une durée Assomption Mont d’Arbois – Lycée à 16 min pour l’un, et Le Frenay – Lycée à 21 min pour l’autre.

Or en regardant les horaires de bus, ces temps sont seulement de 10 min (18h00-18h10) le soir pour le premier, 11 min le matin (7h24-7h35) pour le deuxième.

De plus, cette étude est basée sur un appareil d’une capacité de 1600 personnes/h, elle a finalement été réduite à 1200 p/h. Avec une cabine toutes les 30 secondes, l’embarquement de 144 personnes prendrait au moins 7 min

En reprenant les calculs, le temps de trajet avec l’utilisation de l’ascenseur valléen augmente de manière importante : jusqu’à 12 min de plus pour la ligne Saint Nicolas et jusqu’à 14 min de plus pour la ligne Praz sur Arly.

(13) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 10/135.

(20) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 135/135.

(21) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 10/135.

(22) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 80/135

« Aujourd’hui, les espaces de stationnement du DMC accueillent en jour de pointe

environ 900 voitures (pour 700 places), induisant un taux de remplissage de 130 %.

Ces parkings arrivent à saturation une douzaine de jours par an. »


(23) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 79/135

« Les lignes régulières de transport en bus relèvent de la Région et les navettes déployées par la Commune ne peuvent faire concurrence à l’ascenseur valléen Ils sont complémentaires. Les navettes touristiques déployées par la Commune sont des navettes de renforts pendant la période touristique (7/12 mois). Celles-ci sont circonscrites aux limites du territoire communal et sont donc tenues, pour la ligne 3 reliant le Fayet au centre-bourg, d’emprunter la route des Amerands. »


(30),(31),(32),(33) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 87/135


(34) Source : Préfecture de Haute Savoie, Tarifs des courses de taxi 2023

Prise en charge 3.35 €

Tarif D : course de nuit ou dimanche ou jours fériés avec retour à vide : 3.36 €/km

Prix du trajet Le Fayet Saint Gervais : 3.36*4.7 km +3.35 =19.1 €

Tarif C : course de jour sauf dimanche et jours fériés avec retour à vide : 2.24 €/km

Prix du trajet Le Fayet Saint Gervais : 2.24*4.7 km +3.35 =13.8 €


(35) Notice Explicative Page 17/38

(36) Extrait du registre des délibérations de la commission permanente du conseil départemental de Haute Savoie : 16 janvier 2023 - Tome 2 Page 185/512

(37) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 11/135


(40) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 49/135

(41) Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 23/135

(42) La fréquentation de la RD902 est en moyenne de 9176 véhicules par jour (Document 2 – Annexes au rapport d’enquête Page 43/135) soit 3 349 240 véhicules par an dans les 2 sens. Il est prévu annuellement pour les habitants, 54000 trajets d’actifs, 45000 trajets autres, et 144000 trajets des touristes. Pour le transport scolaire 2 bus serait supprimés pendant 175 jours scolaires.

En comptant, un passager par véhicule pour les habitants et 2 pour les touristes : le nombre total d’aller-retour évité par an est de 171 350 (54000+45000+144000/2+ 175*2), donc 342 700 aller simple, soit 10% de véhicule en moins.